Tout le monde en parle, l’exposition consacrée à Henri Cartier-Bresson au centre Pompidou fait un véritable carton. 500 oeuvres y sont présentées, disposées par séries (ou périodes) dans différentes salles. Un nombre incalculable de visiteurs, allant des simples curieux aux amateurs de culture, en passant bien évidemment par les passionnés de photographie.
Mais alors, quelle est la probabilité pour que deux photographes, qui ne se connaissent pas, fassent la « même » photo à deux moments différents lors de cette visite ? C’est peut être fréquent, c’est en tout cas arrivé avec une de mes photos. En visitant le site de Bernard Jolivalt, et plus précisément son article consacré à l’exposition (dont je conseille vivement la lecture), j’ai tout de suite été frappé par une de ses photos. La voici.
© Bernard Jolivait
Et si elle a attiré mon attention, ce n’est pas par hasard. C’est parce que, de mon côté, j’avais réalisé, à quelques éléments près, la même image. Voici la mienne:
© Thomas Benezeth
Partant de ce constat original, deux photos à la composition similaire, sur le même lieu, mais à différents moments par différents photographes qui ne se connaissent pas, je me suis dis qu’il serai intéressant de confronter nos points de vue. Qu’est ce qui nous a poussé à déclencher ? Pourquoi ici ? Pourquoi cet angle de vue ? J’ai donc posé ces questions à Bernard, et j’y ai moi même répondu. Je n’ai pris connaissance des explications de Bernard qu’après avoir écris les miennes 😉
Pour compléter l’article, je vous propose ensuite de découvrir une analyse de cette image. Une première pour moi, soyez indulgents !
Le déclenchement…
Je n’arrive pas à me souvenir précisément des circonstances de ma prise de vue. Ai-je été attiré par l’attitude du Monsieur ? Par le fait qu’il possède un appareil photo ? Par la disposition originale des cadres ? Peut être un peu des trois.
Ce que je me souviens, c’est que la vue proposé par ma photo est celle que l’on a naturellement en suivant le sens de la visite. En passant d’une salle à l’autre, tout simplement.
Je remarque plusieurs choses concernant mon image.
Premièrement, j’aime la disposition des cadres qui vient structurer la composition, lui donnant un aspect dynamique pour une scène pourtant statique. C’est certainement le premier élément déterminant.
Je pense aussi avoir été inconsciemment guidé par mes quelques connaissances de l’oeuvre de HCB: je me suis documenté sur son histoire et certains de ses clichés avant de visiter l’exposition, et je connaissais la photo du milieu. Une photo que j’aime beaucoup, et qui, pour la petite histoire, représente le corps nu d’une femme à la poitrine généreuse, allongée dans ce qui semble être un ruisseau. La composition est forte, venant couper la tête de la dite Dame, pour mieux se concentrer sur la forme géométrique créée par les jambes du sujet: le chiffre 4. Cette photo est symbolique de l’attirance que portait HCB à la peinture, puisqu’elle est directement comparée à un tableau de Pierre Bonnard, « L’indolente« , une huile sur toile de 1899 (la ressemblance, ou peut être l’influence, est frappante: voir le tableau).
Et bien sûr, la position du Monsieur, situé dans un coin de l’image, associé à son attitude sérieuse, celle d’une personne concentrée et déterminée à saisir le message du photographe, a indéniablement attiré mon attention. Sans lui, la photo ne serait qu’une simple photo souvenir des clichés de Henri Cartier-Bresson. Avec lui, c’est une mise en scène.
Voilà pour ce qui est des éléments qui, je pense, m’ont poussés à déclencher à cet endroit, à ce moment, et de cette façon. Il est maintenant temps de voir ce que Bernard nous dit.
Ce qui a d’abord attiré mon regard, c’est le nu représentant Leonor Fini, dans le cadre en bas, dont la composition est remarquable. C’est d’ailleurs le seul élément reconnaissable dans les trois images. J’ai aussi été séduit par la disposition des cadres, qui sont un peu comme des notes sur une portée. Mais à eux seuls, tous ces éléments ne font pas une photo. La jeune femme tenant une feuille de papier arriva au bon moment. J’aurai bien sûr préféré qu’elle fut toute seule sur la photo, ce qui aurait donné plus de force à l’image et aurait mis sa queue de cheval en valeur, mais ce sont les aléas de la photo de rue : on ne contrôle pas toujours tout. J’ai donc déclenché en sachant que la photo serait la moins mauvaise.
Ce qui a d’abord attiré mon regard, c’est le nu représentant Leonor Fini, dans le cadre en bas, dont la composition est remarquable. C’est d’ailleurs le seul élément reconnaissable dans les trois images. J’ai aussi été séduit par la disposition des cadres, qui sont un peu comme des notes sur une portée. Mais à eux seuls, tous ces éléments ne font pas une photo. La jeune femme tenant une feuille de papier arriva au bon moment. J’aurai bien sûr préféré qu’elle fut toute seule sur la photo, ce qui aurait donné plus de force à l’image et aurait mis sa queue de cheval en valeur, mais ce sont les aléas de la photo de rue : on ne contrôle pas toujours tout. J’ai donc déclenché en sachant que la photo serait la moins mauvaise.
Même si l’ordre n’est pas identique, il apparait clairement que ce sont les mêmes éléments qui nous ont donnés envie de prendre la photo. La (re)connaissance d’une oeuvre d’Henri Cartier-Bresson, le jeu dynamique proposé par la disposition des cadres, et l’apparition d’un sujet humain, d’un spectateur.
Était-ce évident dès le départ ? Tout le monde aurai pris cette photo ? Je ne sais pas, à vous de me le dire ^^ En tout cas, d’après Bernard, ces coïncidences arrivent plus fréquemment qu’il n’y parait.
Si on analysait la scène…
Je vais essayer d’analyser cette photo, de vous proposer une lecture/analyse de l’image, ce qui n’est pas chose aisée 🙂
Tout d’abord, ma photo n’est pas parfaite: deux problèmes principaux me sautent aux yeux. Le premier, celui que vous avez probablement relevé à la première lecture de l’image, c’est le cadre de gauche coupé. D’autant plus dommage qu’il était facile d’éviter ça, il suffisait d’être attentif. Un peu plus subtil mais tout aussi gênant, le bout de cadre qui gêne la lecture au niveau du sujet, cela casse la silhouette de sa tête. Je crois qu’en faisant un petit pas en arrière, un petit pas vers la droite, tout en montant un peu plus mon appareil photo, j’aurai pu éviter facilement ces deux défauts. D’ailleurs, Bernard n’a pas fait cette erreur, même s’il en met une autre en avant (dont je parlerai dans la suite).
Mettons les de côté pour s’attarder au reste de l’image.
La première chose que je remarque, c’est l’apport très important du Monsieur. Les trois cadres présentent trois photos d’Henri Cartier-Bresson, trois photos qui représentent un sujet humain, mais dont la composition radicale ne permet pas de voir leur tête. N’est ce pas tout à fait l’inverse de mon sujet ? On ne voit pas le bas de son corps, mais uniquement sa tête. On voit pourtant une main, ce qui est aussi le cas de la photo de gauche. Toujours est-il que je trouve cette remarque pertinente, même si je suis persuadé de ne pas y avoir pensé au moment de la prise vue, même inconsciemment. Parallèlement, Bernard aurai souhaité que son sujet soit seul, alors qu’il a dans son cadre 3 personnes, 3 bouts de têtes ^^ Ne serai-ce pas la correspondance parfaite entre ces trois corps sans tête sur les photos d’HCB et les trois têtes de Bernard ? 🙂
Je crois également voir un sens de lecture évident dans cette photo. La légère perspective ainsi que notre sens de lecture habituel nous incite à la lire de gauche à droite, mais pas de manière linéaire. C’est là qu’intervient la dynamique crée par le positionnement des cadres, et mon sujet vient, je crois, la compléter. Au premier regard, notre oeil a tendance à aller directement sur le cadre de gauche. Puis il descend d’un étage tout en se décalant sur la droite pour descendre sur la deuxième photo. L’oeil remonte vers le troisième cadre, puis arrive sur mon sujet. Une véritable lecture en dent de scie, dynamique. Où va ensuite se diriger notre oeil ? Vers l’appareil photo du monsieur (pour ensuite remonter vers son visage ?) ? Ou directement sur le visage (pour ensuite descendre sur l’appareil ?) ? Je crois en tout cas que le personnage permet de continuer sur cette dynamique, peut être même que son regard, qui a tendance à aller vers la gauche de l’image, permet de retourner au début de la lecture, comme s’il empêchait la dynamique de se rompre.
Il y a peut être d’autres choses à dire sur mon image, mais je crois arriver au bout de mes capacités d’analyse: c’est une première pour moi 🙂
Bernard a également joué le jeu de l’auto analyse, il nous dit:
À vrai dire, cette photo ne m’inspire rien. Aucune photo ne m’inspire quoi que ce soit, car il y a malentendu sur le mot « inspirer ». C’est un terme que les américains affectionnent mais que je traduirais plutôt par « évoquer ». Si cette photo devait m’évoquer quelque chose, ce serait la réflexion silencieuse de la visiteuse devant l’oeuvre de Cartier-Bresson. Ma photo n’est que le constat d’un ordre esthétique à un moment donné, ce qui est déjà pas mal. Il faut se garder de trop analyser une photo, de lui en faire trop dire ou pire, de la dépiauter comme une mécanique que l’on démonte. Ces derniers temps, j’ai trop souvent rencontré de ces analystes intellectualisantes qui laissent derrière elles des photos mortes, dépouillées de leur mystère.
À vrai dire, cette photo ne m’inspire rien. Aucune photo ne m’inspire quoi que ce soit, car il y a malentendu sur le mot « inspirer ». C’est un terme que les américains affectionnent mais que je traduirais plutôt par « évoquer ». Si cette photo devait m’évoquer quelque chose, ce serait la réflexion silencieuse de la visiteuse devant l’oeuvre de Cartier-Bresson. Ma photo n’est que le constat d’un ordre esthétique à un moment donné, ce qui est déjà pas mal. Il faut se garder de trop analyser une photo, de lui en faire trop dire ou pire, de la dépiauter comme une mécanique que l’on démonte. Ces derniers temps, j’ai trop souvent rencontré de ces analystes intellectualisantes qui laissent derrière elles des photos mortes, dépouillées de leur mystère.
C’est un point de vue compréhensible, bien loin de mon analyse ^^ Il a en tout cas le mérite de remettre cette dernière en question, est-elle trop poussée ? Loufoque ? Encore une fois, je suis ouvert aux discussions. N’hésitez pas à la critiquer.
Toujours est-il que j’ai trouvé cette démarche intéressante, ça m’a plu ^^ J’ai débuté cet article sans trop savoir où il me mènerai, j’espère ne pas vous avoir perdu en cours de route 😉 N’hésitez pas à donner votre point de vue ! Quelle lecture en feriez-vous ? Auriez vous eu l’envie de déclencher ? Avez vous photographié la même scène lors de votre visite ?
21 Responses to Le mystère des photos similaires…
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Bravo pour ton article
Je vais à Beaubourg vendredi 😉
A bientôt
Didier
Didier LECOMTE Articles récents…Le portrait du jour …
Merci Didier, content que l’article t’ai plu ! Hey, sympa ton avatar !
Alors, est ce que tu fera la même photo ? Quelle sera ton interprétation ? 😉
Ah, ah, ah, je rigole 🙂 Personne ne va savoir pourquoi, mais toi tu sais 😉 Et bien entendu, je ne peux pas ne pas réagir à ta demande …
Tout d’abord, félicitations pour t’être lancé dans cet exercice, c’est courageux, vraiment ! Concernant la coïncidence, je peux comprendre que tu sois surpris mais je suis un peu comme Bernard. Cette photo est très connue et je pense que tu trouveras d’autres clichés (compte-tenu des milliers de visiteurs !!!) avec le même type de mise en scène : les photographes adorent photographier les expos de photos 😉 Et comme ils sont photographes, ils aiment bien intégrer un humain dans leurs compositions. Sinon, comme ces photos seraient tristes !! Elles serviraient seulement de documentation.
Maintenant la lecture. Ton auto-critique est bien ficelée mais je remarque 2 ou 3 petites choses. En premier lieu, lorsque tu dis qu’on entre dans la photo de gauche à droite car c’est notre sens « commun » de lecture. Il n’y a pas vraiment de sens de lecture d’une image et de nombreuses études essayent encore aujourd’hui de « traquer » le parcours de l’oeil d’un spectateur sans y arriver vraiment. Lorsqu’on parle de sens de lecture, c’est plutôt la direction que prennent les éléments formels d’une image. Exemple le plus classique : si un personnage se dirige vers la gauche, on va plutôt interpréter cela comme un retour vers le passé et vice versa, on dira que c’est un symbole optimiste. Mais bon, c’est un exemple extrêmement schématique là car tout cela dépend aussi énormément des autres éléments de la photo. Non, ici dans ta photo, on entre par le premier cadre car il est blanc et le blanc attire immédiatement l’attention. Dans ta photo, ces 3 cadres blancs mangent littéralement par leur présence ton personnage qui est dans le noir et ce n’est que bien après qu’on le découvre.
Tu dis que tu voulais attirer l’attention sur la photo du milieu mais ton bonhomme en regarde un autre. Et cette autre est illisible pour nous, pauvres absents de cette expo 🙁 Cet aspect nous restera donc définitivement obscur, vu que non seulement le monsieur est dans le noir (mais aussi un peu confus avec il me semble un autre bout de cadre qui chevauche sa tête), et que la photo qui semblait l’intéresser n’est pas reconnaissable. Le secret reste donc entier 🙂
Je dirais que tu as bien fait le tour de la question en aller chercher pas mal de pistes d’interprétation et je retiens en particulier celle des « opposés » . Ici, en Italie, ils appellent ça une photo oxymorique – retiens-ça, ça fait savant 😉 Mais on peut aussi aller plus loin…cet homme penché attentivement sur ces femmes offertes avec son gros zoom fermement tenu en main … bon, bein … je ne vais pas faire un dessin, hein 😉
Quant à l’avis de Bernard sur l’analyse des images, je lui donne à la fois raison et tord. Raison, car dans le cas présent, ce sont 2 photos qui n’ont, il faut bien le dire, pas très très grand intérêt à part celui celui d’être assez similaires et je comprend que ça t’ai amusé. A l’inverse, je ne vois pas pourquoi le fait d’essayer de pénétrer les mystères d’une photo la feraient mourir. Je n’arrive pas à voir le rapport et j’aurais presque envie de dire qu’au contraire n’est-ce pas une manière d’en apprécier encore plus les nuances, les subtilités, le « génie » ? Et cette analyse, de toutes façons fondamentalement subjective et amenée à être contredite un jour, n’est-elle pas une manière de nous rendre accessible un mystère ? Et pourquoi un mystère « élucidé » ferait-il perdre de son intérêt à une photo ? Ne sera
Laurence Articles récents…LES LIVRES D’ARTISTE, VOUS CONNAISSEZ ?
Je rigole aussi 😉
Oxymorique, je retiens ^^ Je découvre tout comme ce que tu me dis sur le regard. Même si ce n’est pas le sens de lecture de la photo, il me semble que c’est par reflex que notre oeil commence par la gauche, non ? Même pas ? ^^
C’est vrai que les cadres ne sont pas très lisibles, mais pour quelqu’un qui connait un peu les photos de HCB, il reconnaitra la photo sans problème. Je te rejoins parfaitement sur les éléments perturbateur, le blanc des cadres qui attirent tout de suite l’attention, le visage trop sombre et l’arrière plan gênant. Et que ma photo est également quelconque, mais c’était pour l’exercice, le côté marrant 🙂
Je vois tout à fait où tu veux en venir concernant le zoom du monsieur à lunettes, dessin inutile ^^C’est vraie que c’est une bonne piste, je suis passé à côté.
Merci Laurence pour tes encouragements et d’avoir pris le temps de nous livrer ton analyse 😉 Quand je dois te répondre après de tels commentaires j’ai l’impression d’écrire un nouvel article, je dois réfléchir longtemps pour m’exprimer correctement ^^
PS: je dois m’occuper de la taille de police depuis des semaines mais j’ai pas pris le temps et je ne sais pas encore comment faire 🙂
Je n’ai pas dit que le blanc était forcément un élément perturbateur, j’ai juste dit que c’est lui qui attirait plus immédiatement l’attention, c’est très différent. Il peut devenir perturbateur dans certains cas, mais là, ce n’est pas le cas du tout, au contraire, c’est lui qui donne le rythme !!
Eh non, nous sommes très indisciplinés devant une image et il est justement rarissime que nous commencions sagement en haut à gauche. Une image n’est pas un texte. Le regard voyage, et en plus de différentes manières : de façon linéaire ou parfois en « sauts de puce », tout dépend de la composition.
Et attention, hein, je n’ai pas fait une analyse d’image !! Je me suis contentée de commenter tes propres remarques 😉
Bon, j’espère que je ne suis pas trop « prise de tête », hein ! Tu me fais peur là ….
Laurence Articles récents…CITATION#5
Ok ok 😉 Oui, disons que tu as analysé ce que j’ai dit ^^
Crotte de crotte, erreur de frappe …
ce que je disais, c’est que pour moi, il y a autant d’émerveillement devant le connu et l’inconnu, le mystère et le banal.
Voilà Thomas, encore une fois bravo pour ton exercice !!
PS : est-ce que tu pourrais augmenter la police de caractère de l’aire de commentaires, car je viens de me crever les yeux en le rédigeant. C’est vraiment écrit tout petit petit et c’est très difficile de se concentrer pour au moins relire ce qu’on vient juste d’écrire et si possible, supprimer des fautes d’orthographe ? Ca serait vraiment chouette de ta part 🙂
Laurence Articles récents…LES LIVRES D’ARTISTE, VOUS CONNAISSEZ ?
Excellente intervention, Laurence !
Je confirme 😉
Effectivement ce genre de ressemblances entre plusieurs photos est assez fréquents. Preuve que la photo n’est qu’une éternel recommencement.
Nous nous plaçons tous de la même manière pour capter une scène, ce qui fait la différence entre 2 photographies tient souvent à l’angle de champ dont dispose le photographe au moment de la réalisation de la photo.La taille du photographe et son matériel vont déterminer cet angle de prise de vue, surtout en intérieur ou en espace contraint car le photographe devra prendre place dans un espace déterminé, parfois il shootera à l’instinct sans pouvoir réellement viser.
En reportage on retrouve non seulement les mêmes angles mais aussi les même sujets, ce sont ceux qui attirent notre regard. Il y a des « personnages » incontournable, des couleurs ou des formes ou des positions qui comme ici attirent inévitablement notre regard.
Mais quand on trouve un angle inédit c’est rageant « de se le voir voler » par d’autres photographes jusqu’à l’usure de celui ci …
Pyrros Articles récents…Bicentennaire du 10 avril 1814, ils ont réjoué la bataille de Toulouse
Oui j le conçois très bien que ce genre de ressemblances arrivent fréquemment, mais c’est la première fois que ça me tombe dessus ^^
Après je suis plus ou moins d’accord 🙂 D’accord pour l’exemple que tu donnes, dans les espaces confinés, mais sinon d’une manière générale nous ne nous plaçons pas tous de la même manière pour capter une scène, je l’espère en tout cas. Pas d’une manière générale.
Merci pour ta participation au débat 😉
KikouThomas, l’exercice est intéressant et pour le coup, les commentaires de Laurence que j’ai lu avec attention sont assez pertinents. !
Marie Articles récents…Ma bulle
Merci !
Bravo de t’être livré à un tel exercice Thomas. Je pense qu’une telle démarche te permet de beaucoup progresser. Et je constate que Laurence est en très très grande forme 😉 Après elle, difficile d’ajouter quelque chose de plus…
Christine Articles récents…Le printemps en marche
Bonjour Thomas
Suis-je autorisé à rire sous cape moi aussi ?
Et puis-je avoir l’outrecuidance de réagir et commenter après et malgré le passage de Laurence, on ne peut plus pertinent, pour corroborer ce qu’en dit Christine et cette quasi impossibilité après elle ?
Tant pis, je me lance 😉
Quitte à démarrer dans la matière, tu ne fais pas dans la dentelle et ne commence pas au plus simple. Sans doute l’inconscience de la jeunesse, mais c’est ce qui lui permet aussi d’espérer atteindre des sommets auquel le pauvre vieillard que je suis ne pourra jamais prétendre.
En tout cas, c’est sur, je ne me serais jamais permis seul de me lancer dans une telle aventure. Fichtre, attaquer l’analyse d’image directement par la face nord : un comparatif entre deux auteurs différents, excusez du peu !
De plus, et malgré les apparences, c’est une (double) image extrêmement complexe que tu nous soumets puisqu’il s’agit d’une image (dans ce cas 3 x 2 d’ailleurs) dans l’image à savoir le regard que porte un (deux…) visiteur(s) sur ces 3 (6…) images.
On est dans une matrice d’interprétation multilignes et multicolonnes pour ce qui est de la grille à soumettre à l’analyse et je dois humblement avouer que cela dépasse très largement mes compétences, sauf à y passer plusieurs jours, pour ne pas dire semaines… Donc compliment pour le challenge que tu t’es toi-même posé 😉
Ne pouvant me livrer à un jeu si puissant qui accélérerait le plongeon de mes neurones dans les miasmes de la déliquescence sénile, je me contenterais de quelques pistes ou traces que je livre à tes envies de recherche plus approfondies. Désolé, ce sera un peu dans le désordre, un peu à la va je te pousse, pour les raisons indiquées ci-dessus.
Premier point : pour pouvoir analyser ces deux images, il faut partir du principe qu’elles sont finalisées et bonnes. Je veux dire par la que je ne peux retenir l’hypothèse qu’elles seraient faites un peu au hasard et sans un travail approfondi de mise en page, en perspective, en composition, en cadrage et en décision adéquates et volontaires sur les lumières et les ombres, sinon, il devient impossible de dire quoique que ce soit et l’on entre plutôt dans une analyse critique de la maitrise technique du photographe et de son sens de la composition, ce qui n’est pas le sujet ici, sinon, dans le principe même, l’analyse d’image devient irrecevable et on passe au sujet : composition et prise de vue dans la photo de type street view…
Donc 1er principe et pour exemple : le cadre coupé de Cartier Bresson en haut à gauche et le personnage qui regarde dans l’ombre à droite sont volontaires, de même que ce qu’il regarde dans ta photo, car tu as choisi de nous soumettre ton choix murement réfléchi en déclenchant au moment ou tu souhaitais qu’il regarde ou tu le voulais ; et s’il est en partie « compilé » dans un cadre de photo suivant de Cartier Bresson, c’est bel et bien un choix, que l’on peut qualifier de décisif…
De la même façon et pour la photo de l’autre auteur, le fait que le cadre ne soit pas coupé, et que le profil entier de la fille qui regarde soit au contraire complet, avec notamment sa queue de cheval visible, bien que noyée dans la chevelure des autres « regardeurs » du moment n’est pas anodine.
C’est avec ce premier principe, incontournable pour l’analyse d’image, que l’on se rend compte immédiatement de la complexité d’une telle tâche en la circonstance.
Par exemple, et je m’en tiendrais la pour illustrer la difficulté de cette partie du propos : lorsqu’on regarde l’homme coincé dans le cadre de la photo de CB, on s’aperçoit que le cadre de celle ci crée une espèce de manche rigide entre le haut du manteau du personnage et son menton, comme POUR OBLIGER SON REGARD A S’ELEVER VERS LA PHOTO DU HAUT A DROITE, ET NON PAS CELLE DU NU AU CENTRE !!! Etait-ce bien l’intention de l’auteur ? Par définition présupposée oui, mais dans le réel du moment du déclenchement ? De même et ce n’est pas rien, dans le verre de la lunette elle-même, la branche de la lunette et la vision déformée du cadre de la photo crèent un croisillon, comme une mire de centrage pour l’oeil du visiteur, renforçant encore l’idée de ce qu’il doit regarder et non pas ailleurs. Volontaire la aussi ?
J’arrête en espérant avoir fait comprendre ce que je voulais dire par la…
Mais je vais poursuivre sur un autre plan…
Je vais essayer de répondre volet par volet 😉
Tout d’abord je te remercie Jean-Paul d’avoir pris le temps de nous livrer une telle analyse. Tu arrive à remarquer des choses que la plupart des gens ne voit pas, des détails qui sont même passés inaperçu aux yeux de l’auteur de la photo ! Bravo pour ça !!
Je trouve ce premier volet très intéressant, et je m’en vais (re)lire les suivants (comme je te disais, de tels commentaires ne permettent pas d’y répondre facilement, cela demande une certaine réflexion 😉 )
2ème volet : Cadrage et composition, sens de lecture, comparatifs des deux photos ?
Ici, en terme de « presque pareil », on pourrait dire, en approximation, qu’effectivement il y a peu de différences.
Et pourtant.
La différence plutôt subtile entre les deux cadrages engendre à la sortie une notion de rythmes différents dans l’image.
Dans celle de Thomas, outre le fait que la première de CB est coupée en partie (comme si la place manquait… qui nous fait bien rentrer dans la photo par ce « trou » en haut à gauche), les photos sont relativement éloignées les unes des autres, et complètements séparées de celui qui les regarde, mis à part le fait qu’il est lui même intégré puis cadré en superposition avec une des photos de CB, 4ème du genre, mais qui semble appartenir à une série suivante, vue la distance au mur entre la trois et la 4,
Le rythme suggéré est donc linéaire, 1 puis 2 puis 3, avec une rupture sur la 4 en début d’une nouvelle suite interrompue qu’on imagine, laissant celle-ci dans l’ombre (un hors champ qui nous invite à poursuivre notre visite, sans revenir dans la présente photo ?)
Chez Bernard, grosses différences, puisque les 3 photos semblent plus rapprochées, à se toucher, et il ne semble pas y avoir de 4ème et même une fin, puisque un pli de mur vertical termine la cloison derrière la fille. Fille d’ailleurs intégrée à la série contrairement à la photo de Thomas, car en liaison avec elle quasi physiquement par ce papier touchant la 3ème photo tenu par une main qui semble interrogative/méditative en touchant la bouche du personnage que l’on imagine songeuse. On est plutôt la sur un contrepoint 3/2, le papier étant le pendant, comme une transition de la photo au réel, en rythme avec la 2ème photo, (donc la 4ème) et la tête, bien réelle, devenant la 5ème photo en prolongement de la 1 et de la 3, comme pour marquer un complément à la 2 celle de CB à laquelle manque la tête (je vous donne la tête qu’elle n’a pas ?).
Si je voulais contredire le propos de Bernard sur le sens possible à donner à cette photo, ce serait la le départ d’une analyse approfondie, que je ne commettais pas, puisque lui-même, je crois à juste titre ne le souhaite pas, en tout cas pour cette photo. Il a raison (en la circonstance…) de dire qu’il rencontre trop souvent des analyses intellectualisantes qui laissent les photos mortes dépouillées de leur mystère. Et j’ajouterais, pour aller dans son sens (sur ?) que si cela a suffit à les tuer, c’est que de mystère, elles ne devaient pas à avoir beaucoup, et ne devaient donc pas alors être de grandes photos 😉 J’ai personnellement eu déjà l’occasion de remarquer combien les grandes oeuvres résistent sans mal aux tentatives de décortiquage qu’on peut leur infliger. Il arrive même, tellement elles sont grandes, qu’elles en sortent encore grandies et un peu plus mystérieuses…
En terme de suite du regard, qui semble intéresser Thomas, on peut donc dire que la façon de lire ces deux photos est très différente :
on est bien sur une diagonale gauche droite avec sortie par le bas à droite (dans le noir…) sur la photo de Thomas, une fois franchi cet obstacle d’absence de lumière qui nous retient d’avancer plus loin…
Pour celle de Bernard en revanche on est sur un rythme quasi circulaire (en suivant les « notes montantes et descendantes » comme l’indique très bien Thomas, mais sur 5 « objets », et pas seulement 3), car une fois bouclé sur la queue de cheval, le regard revient à la première, comme en suivant la descente de la queue de cheval pour remonter ensuite à la première photo de CB pour un deuxième tour… Les deux autres visiteurs derrière la queue de cheval semblent eux aussi nous inviter à rester la, puisqu’ils donnent l’impression de rester eux aussi « scotchés » sur la 3ème photo de CB (alors qu’en fait, d’après ce qu’à montré Thomas, ils doivent regarder la 4ème photo de CB totalement invisible et inimaginable ici…
Allez, bientôt un petit dernier pour la route…
3ème volet et dernier de mon intervention pour ne pas accaparer de trop le blog de Thomas avec mes propos abscons.
Ou il est question de sexe…
je plaide non coupable car ce n’est pas moi qui ai abordé le sujet, mais il faut bien dire qu’il se voit comme le nez au milieu de la figure.
Qui d’ailleurs a commencé par attirer notre attention la-dessus si ce n’est Thomas lui même en insistant sur la photo centrale si brillamment éclairée au centre de sa photographie.
Ah il s’agit d’un nu ? Pardon, c’est vrai, ce n’est pas pareil…
Au passage bravo Thomas d’avoir pris la peine d’indiquer la liaison avec le peintre Pierre Bonnard en nous donnant le lien, c’est par ce type de rapprochement que l’on peut progresser dans la compréhension et l’analyse d’une photographie, et on n’en abuse jamais assez.
C’est d’ailleurs ce que je vais faire dans la foulée en indiquant un lien apparemment moins évident, mais en tout cas beaucoup plus clair, il s’agit de l’origine du monde de Courbet que l’on peut voir ici
http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Origin-of-the-World.jpg
et dont Orlan a réalisée le pendant masculin nommé « l’origine de la guerre », qui ne peut laisser planer aucun doute sur les intentions de l’auteur, visible ici :
http://www.orlan.eu/wp-content/gallery/l039origine-de-la-guerre-1989/originedelaguerre_0.jpg
Ne cherchez pas de provocation à travers les liens que j’indique ; si je montre cela, c’est pour la liaison manifeste avec la photo centrale de CB proposée ici en poussant l’idée jusqu’au bout : la tête n’intéresse personne dans ces quatre travaux proposés, seuls comptent, la posture, le sexe bien visible, la pose. C’est donc d’un symbole qu’il s’agit.
C’est fort justement que Thomas à compté les têtes manquantes en se demandant si les compléments photographiées restituaient ces attributs manquants à la dignité des humains représentés.
Quel est le message de ces corps sans tête indécemment proposés, aussi bien par les peintres que par CB ? Vous m’accorderez que l’on pourrait s’embarquer dans un exposé sans fin à vouloir répondre à une telle question. Quand je disais que c’était un sacré challenge de complexités multiples qu’avait engagé Thomas avec une telle photo…
Je m’en tiendrais juste à l’apport des deux photographes mis en parallèles ici : l’homme avec comme attribut son objectif photo que Laurence n’a pas manqué de relever et la femme avec un attribut tout aussi significatif car ostensiblement conservé dans le cadre : la queue de cheval.
L’objectif photo d’abord. Personnellement, tout en reconnaissant la pertinence de l’observation, j’arrive à la conclusion quasi inverse de Laurence, car l’objectif n’est pas dressé, mais plutôt dirigé en dessous de la ligne d’horizon. Comme attribut viril, on pourrait donc remarquer qu’il ne semble pas en pleine possession de ses moyens, ou que l’observation ne provoque pas les effets attendus. Or, si j’en reviens à ma remarque du tout début, et cette tige (le cadre) qui bloque le regard du visiteur en l’empêchant de tourner celui-ci vers ce fameux tableau du milieu, il y a une certaine synchronisation entre l’objet finalement regardé et l’effet qu’il provoque sur le lecteur… Mais quelle en est l’interprétation ?
L’autre photo maintenant : cette fois, c’est une femme, qui, pas plus que l’autre visiteur ne regarde cette photo centrale objet de toutes les convoitises de nos photographes du jour. Et cette femme porte une queue de cheval, symbole d’une force phénoménale quand on le met en valeur dans une telle situation. Je ne vais pas m’étaler sur les significations possibles de sa présence, Je vous renvoie juste vers les liens suivants, plus ou moins à prendre au sérieux pour vous faire une idée de toutes les pistes d’interprétation possibles que cette trace ostensible laisse ouverte :
http://lablogospheredemathilde.wordpress.com/2011/10/24/le-symbolisme-des-cheveux-un-sujet-qui-defrise/http://teemix.aufeminin.com/mag/beaute/d19595/s45350.html
http://rename-s-planet.over-blog.com/article-la-coiffure-un-moyen-de-communication-49573386.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Symbolique_du_cheval
Mais si vous ne devez en lire qu’une seule, allez donc voir celle-ci, très intéressante :
http://www.237online.com/article-16899-un-symbole-bamileke-majeur–la-queue-du-cheval.html
Imaginez les boulevards qui s’ouvrent à l’interprétation lorsqu’on tombe sur une représentation symbolique aussi chargée… Une femme à queue de cheval, qui refuse de regarder une photo de femme nue devant elle ! Pensez donc…
Ainsi donc nos deux auteurs insistent sur l’importance de la photo de CB et nous montrent en même temps deux visiteurs qui ne la regarde pas !!! Un homme, une femme, même résultat. Serait-ce pour marquer un désaccord de cette photo de femme qui n’existe que par son sexe alors que son visage n’intéresse pas les artistes ?
Je renvoie la question aux auteurs, dans l’hypothèse bien sur ou ces deux photos recèleraient une volonté très précises et fortement travaillées de leur exposition : que vouliez vous dire en insistant sur l’importance du nu central tout en niant l’intérêt que leur portent les visiteurs.
Convergence indéniable ! Signification ?
Alors pour répondre à la question, aurais je photographié la même scène si j’avais été présent ? Je ne peux que répondre oui si j’avais été capable, sur le vif, d’en comprendre la portée symbolique potentielle incroyable. Nous savons tous, photographe, que la réalité est souvent toute autre….
Mais cet exercice était très amusant. Tu devrais en faire d’autres Thomas 🙂
Je laisse le deuxième volet sans réponse parce que je vais tout dire ici: -)
Merci encore Jean-Paul pour cette analyse, merci aussi de m’encourager à recommencer l’exercice: je crois en avoir envie ^^
J’ai beaucoup apprécié ton analyse du sens de lecture, mais aussi le dernier volet où tu reviens sur des propos de Laurence. Pour répondre à la question « que vouliez vous dire en insistant sur l’importance du nu central tout en niant l’intérêt que leur portent les visiteurs. », je dirai que ma photo n’est pas issue d’une volonté absolue, je n’ai bien sur pas vu toute ces choses, même inconsciemment je pense (j’en suis même sur). Donc je ne peux pas vraiment y répondre 🙂
Je compte sur toi pour revenir à ma prochaine tentative d’analyse Jean-Paul 😉
J’imputerais à la jeunesse la réponse indiquant que tu n’as pas vu ces choses, même inconsciemment, tu en es sur, car l’inconscient est inconscient, c’est même sa définition, c’est dire, alors comme avoir une telle certitude ? Pour autant, ce qui est rassurant, c’est que personne ne peut l’avoir à ta place, pas plus moi que n’importe qui, et la question restera donc en suspens, dans l’attente éventuelle de nouveaux indices convergents ou divergents (c’est d’ailleurs ainsi que l’on arrive à repérer et piéger les « faille » de l’inconscient…)
Pour en savoir plus sur ce sujet, il existe une littérature abondante et je te laisse la curiosité de chercher 😉
Pour ta prochaine analyse, qui sait ? Mais peut-être faudra t’il préparer un peu mieux ta photo source au préalable, ne serait-ce qu’avec un petit coup de finalisation dans lightroom ou équivalent avant de la proposer 😉
Ce genre de travail qui te semble si pénible, aide à réfléchir à sa photo, et au sens qu’elle a, ou n’a pas, ou qu’elle peut prendre en fonction des zones que l’on mettra plus ou moins en valeur ou dans l’ombre pour ne parler que d’un exemple récent. C’est ainsi que l’on commence à donner du sens à une image qui n’en aurait pas forcément beaucoup autrement : la post-prdoduction et sa maitrise sont essentiels lorsque l’on veut apprendre à analyser une image….
2truculent