La photo de rue et les sans-abris

on 21 janvier 2015 in Photo de rue by with 52 Comments

On voit beaucoup de photos de sans-abris postées sur les réseaux sociaux, et à chaque fois que j’en vois une, ou presque, je peste tout seul dans mon coin. Je ne veux pas donner de leçon à qui que ce soit mais je me demande ce qui peut motiver les photographes dans cette démarche. Cette dernière est-elle toujours noble ?

 

 

Doit-on photographier les sans-abris ?

Certains diront qu’il faut absolument les photographier pour laisser un témoignage… L’idée est belle, mais n’est elle pas déjà connue de tous ? Témoigner de la pauvreté de ces gens, c’était peut être valable dans les années 50, mais en 2015, qui ne sait pas que de nombreuses personnes vivent dans de telles conditions ? Personne, tout le monde est au courant. Alors pourquoi les prendre en photo ?

Il est bien sur possible de prendre le problème dans l’autre sens. Les sans-abris sont des êtres humains comme vous et moi, qu’est ce qui nous empêche donc de les prendre en photo ? S’interdire de les immortaliser ne revient-il pas à les exclure encore plus ?

Les deux points de vue sont valables. Il serait bien sûr dramatique de les exclure plus encore de notre société, ce serait retourner le couteau dans la plaie. Mais l’idée d’un témoignage reste selon moi utopique. Alors comment photographier les sans-abris ? Je crois que ces personnes méritent plus de respect que quiconque vis à vis de la photographie. Voler l’image d’un inconnu dans la rue ne me dérange pas, ce n’est qu’un instant d’intimité publique. Sa véritable intimité, celle qu’il refuse d’exposer aux autres, se trouve chez lui, dans son foyer.

Le sans-abris, lui, n’a aucune intimité. Aucune. Et personnellement, je me sens très mal à l’aise à l’idée de lui voler, à son insu, le peu qui lui reste. Oui, il est dans un lieu public, mais pour lui, c’est un peu un lieu privé.

La solution me parait alors évidente: demandez, échangez, communiquez, partagez ! Si la personne refuse, acceptez le. Si elle accepte, profitez en pour discuter avec lui, connaitre un peu plus son histoire, son parcours, sa vie actuelle. Je suis persuadé que cela vous aidera à obtenir une photo pleine de vie, et son image n’en sera que meilleure !

Et vous leur apporterez un peu de gaité dans leur journée, je pense qu’ils n’ont malheureusement pas souvent l’occasion d’échanger leurs points de vue avec quelqu’un. D’ailleurs, la discussion peut très bien dériver sur autre chose que sa vie personnelle.

S’il accepte que la photo soit publiée sur votre blog, profitez en alors pour raconter son histoire, celle que vous aurez appris en discutant avec lui. Mais soyez honnêtes avec lui, ne publiez pas sans lui en avoir parlé.

 

 

Évitez la facilité…

La facilité ? C’est de prendre en photo les sans-abris pendant qu’ils dorment !

C’est d’ailleurs ce que l’on voit la plupart du temps sur ces clichés, des personnes endormis dans la rue. Des photos qui n’ont aucun message, aucun intérêt, ni sociologique ni artistique. Juste l’image d’un sans-abris qui dort, qui ne se rend même pas compte que quelqu’un le prend en photo.

Sa vie est dans la rue, aux yeux de tous, jour et nuit, il ne possède presque rien et n’a aucune intimité, et quand il dort on lui vole le peu qui lui reste. L’humiliation quitte la rue pour devenir mondiale, à l’échelle d’internet. Quand on y pense c’est assez cruel et tellement irrespectueux, et tout ça pour quoi ? Pour rien.

Alors il faut arrêter de prendre ces personnes en photo pendant qu’elles dorment, je trouve ça trop facile et lâche.

Oui, c’est bien un coup de gueule…

 

 

Mais au final, comment les aider ?

Je ne crois pas que nos photos soient directement utiles pour aider les sans-abris. Ce ne sont pas les photographes qui vont leur proposer un emploi, un logement, car c’est bien une situation stable dont ils ont besoin.

Mais si vous tenez vraiment à les aider, commencez par donner une pièce ou deux de temps en temps, de quoi leur permettre d’améliorer leur quotidien en s’achetant à manger. Vous leur rendrez service et à vous aussi: vous vous sentirez bien après avoir fait cette bonne action.

Et si vous voulez vraiment les prendre en photo, il faut être capable de faire passer un message autre que « il y a des gens qui dorment dans la rue », tout en respectant la personne que l’on a en face de soi. Montrez aux autres que ces personnes ont autant de valeur que nous et qu’elles méritent donc notre attention.

Ces photos doivent nous faire prendre conscience qu’on les ignore trop souvent, elles doivent nous donner envie de nous soucier de ces gens qui souffrent.

En fait, donnez une pièce et/ou donnez envie aux autres de le faire. Mettez de côte vos préjugés, vous serez surpris de voir comment un sans-abris peut dépenser son argent !

 

 

Conclusion

Oui, j’ai déjà pris en photo des sans-abris. Deux fois pendant que la personne dormait, une fois en volant tout simplement son image. Oui, je le regrette. Non, je ne le fait plus. C’est un choix personnel, et j’espère juste vous faire réfléchir sur les raisons qui vous motivent à les prendre en photo.

N’oubliez pas que la photo de rue ne doit pas porter atteinte à l’image de la personnes photographiée. C’est d’ailleurs en respectant ce principe que nous avons le droit de photographier tout le reste, tout ce qui est respectueux.

Vous ne serez peut être pas tous d’accord avec moi, je ne juge personne. Mais la prochaine fois que vous croiserez un sans-abris, pensez-y. Échangez avec lui plutôt que de voler son image. Mieux encore, sortez un peu de monnaie plutôt que votre appareil photo. Donnez, au lieu de prendre égoïstement.

 

52 Responses to La photo de rue et les sans-abris

  1. David dit :

    Je n’ai jamais pris en photo un sans abris pour les raisons que tu évoques, ils n’ont déjà pas grand chose, si ce n’est rien, alors autant leur laisser leur « intimité ».
    J’avais vu une série d’une personne qui offrait un repas au resto à chaque sans abri et qui en a fait une série. C’était de belles photos où l’on voyait qu’au delà de partager un repas, il y avait une rencontre, et peut être le plus important pour les personnes en difficulté : il y avait une attention. Si je retrouve le lien, je te le passerai.

    Mais pour moi c’est clair et net : pas de photo de sans abri sans un échange préalable 🙂
    David Articles récents…Hommage Aixois à l’équipe de Charlie HebdoMy Profile

  2. Pyrros dit :

    Je partage ton idée sur le vol de l’image de la personne, surtout dans le cas où elle dort. La personne est dans ce cas dans une situation de grande vulnérabilité vis à vis des voleurs d’images.
    La photo de SDF peut avoir un effet bénéfique sur la personne photographiée, lui (re)donner confiance et réhabiliter son image qui est parfois fracassée par la vie. Bien sur comme tu le précises il faut que cela soit fait dans le dialogue et surtout le respect de l’autre.
    Les SDF ne risquent pas de poursuivre le photographe indélicat car faute de moyens il leur sera difficile de financer les services d’un avocat pour ce genre de procédure.

    La où je suis moins d’accord c’est sur le fait de leur donner une pièce ou deux car certains SDF sont malades (alcool drogues et autres addictions) cela ne les aide pas. Donner une pièce c’est se donner bonne conscience sans voir l’impact parfois négatif que cela peut avoir, personnellement je préfère donc passer par des associations, mais cela n’engage que moi.
    Pyrros Articles récents…Comment lutter contre le vol de photo ?My Profile

    • Thomas Benezeth dit :

      Pour ton désaccord je trouve que c’est un point de vue intéressant. C’est vrai que certains sans-abris ont une addiction et utiliseront l’argent qu’on leur donne pour ça, mais peut on leur en vouloir ? Je pense tout de même que ce n’est pas la majorité, c’est pour ça que je disais « mettez vos préjugés de côté ». Quand tu vois la vidéo que j’ai mis en lien, ça te donne beaucoup d’espoir et ça donne envie de donner.

      Passer par une association est une bonne idée, bien que du coup tu ne sais pas trop ce qu’il font avec l’argent (c’est pas une accusation, juste un fait ^^). Quand je donne directement au sans-abris, je suis sur qu’il en profitera, et tous les sans-abris n’acceptent pas forcément l’aide des associations.

      Mais peu importe la façon dont on donne, l’important c’est de donner un peu.

  3. Marie dit :

    Kikou Thomas, voilà un article qui retient particulièrement mon attention, j’aime beaucoup ton point de vue et je l’approuve totalement. 🙂 Tu en as dit l’essentiel et de manière efficace, donc je n’ai rien à ajouter, mais je voulais juste signifier que j’approuvais 🙂
    Bisou 🙂
    Marie Articles récents…Le lutin facétieux et le coeur de pierreMy Profile

  4. Ta réflexion est intéressante Thomas, et bien argumentée. Personnellement, je ne photographie les SdF que rarement. Pour que j’appuie sur le bouton, il faut que la photo aille plus loin qu’une simple représentation de la misère. Je m’efforce de lui donner une dimension sociale ou affective. Autrement, en effet, la photo d’un miséreux est vaine. Il faut qu’elle débouche sur quelque chose.
    Quelques photos :
    http://www.bernardjolivalt.com/Photos/rue/couleur/PIX/0F-Paris_005.jpg
    http://www.bernardjolivalt.com/Photos/rue/couleur/PIX/0F-Paris_006.jpg
    http://www.bernardjolivalt.com/Photos/rue/noir/PIX/D-Berlin_006.jpg

    • Thomas Benezeth dit :

      Merci Bernard !
      J’apprécie d’autant plus ton commentaire que j’ai également lu ton propre article sur le sujet, également très intéressant. En écrivant le mien j’avais justement en tête ta photo de Louis Vuitton en me disant que je pourrais la présenter comme « bon élève » 🙂 (j’aime moins le fait qu’il soit endormi mais au moins on ne voit pas son visage, et surtout ce n’est pas juste un sans-abris qui dort).
      J’avais aussi quelques photos de Thomas Leuthard en tête, où il met en avant leur isolement social avec talent, mais j’ai finalement choisi de ne mettre aucune image.

  5. Très bon billet !
    Tanguy Nicolas Articles récents…Mon Projet 52 – Semaine #3My Profile

  6. Seb dit :

    Tu développes une très bonne réflexion dans cet article. Je partage ton point de vue sur le « vol de son intimité ». Je n’ai jamais pris de telles photos, mais effectivement, l’idée d’en profiter pour engager un dialogue est très riche !
    Seb Articles récents…La photo du mois : Invisible SunMy Profile

  7. J’aime beaucoup ta réflexion sur ce sujet, ça m’interpèle car je l’ai eu il y a très peu de temps. J’ai croisé un SDF dans la rue en allant à la banque et j’ai échanger quelques banalités avec lui en me disant qu’il avait un visage très expressif qui me plairait de prendre en photo. J’ai pas osé lui demander sur le moment mais je me suis dis que si j’avais un peu de temps un midi, je lui payerais bien un déjeuner, histoire de taper la cosette et de prendre deux-trois clichés, si il est d’accord bien entendu. Il a été très sympa avec moi et le feeling est bien passé pendant ce court instant. Affaire à suivre! 😉

    Merci pour cette article plein de bon sens!
    Alex De Morière Articles récents…Mon mois en argentiqueMy Profile

    • Thomas Benezeth dit :

      Merci à toi Alex pour ce gentil commentaire 😉 Sympa l’anecdote ! Discuter avec lui sans le prendre en photo, c’est du tout bon ça 🙂 N’hésites pas à lui poser la question la prochaine fois il sera peut être volontaire !

  8. Donlope dit :

    Je n’ai jamais photographié de SDF, mais j’aime beaucoup ta réflexion.
    Je suis souvent très mal à l’aise face à un SDF, sûrement parce que je me dis que je pourrais être à sa place et que je pense que je ne pourrais pas vraiment l’aider (faute de moyens pour aider tous les gens dans la misère, mais aussi faute de temps pour tendre une oreille attentive).
    Généralement, je préfère donner un ticket restau ou un sandwich quand je donne.
    En tout cas, la vidéo est très sympa.
    Donlope Articles récents…Goutte à goutteMy Profile

    • Thomas Benezeth dit :

      C’est vrai que c’est assez délicat et tout le monde n’est pas forcément à l’aise à l’idée d’aller parler avec un sans-abris, je peux comprendre. L’idée du ticket restau ou du sandwich est très bonne 🙂 La vidéo est magique je trouve, c’est très émouvant ! Merci Donlope 😉

  9. Bonjour Thomas,
    Il y a des centaines de milliers de photos de sans-abris qui circulent effectivement partout et bien malheureusement, peu ont un vrai message comme tu le soulignes. Je dirais que pour ma part, photographier un sans abri sans qu’il y ait une idée derrière (dénoncer, choquer, interpeller, …) relève du voyeurisme dans le pire des cas, de simple maladresse dans le meilleur des cas. Mais n’est-ce pas aussi valable pour toutes les photographies dites « humanistes » ? Pour ma part, je n’ai jamais photographié de sans abris car je ne sais tout simplement pas sous quel angle aborder le sujet. Cela mériterait réflexion 🙂 Merci pour cet article !

    • Thomas Benezeth dit :

      Bonjour Laurence ! Effectivement cela mériterait réflexion 😉

      Je suis d’accord avec toi pour l’aspect voyeurisme ou maladresse. Mais je pense que ce n’est pas valable pour toutes les photos humanistes. Je pense, peut être à tord, que les sans-abris méritent plus de respect dans la mesure ou même s’ils se trouvent sur un lieu public, il n’ont de toute façon pas le choix.

      Si je raisonne « mathématiquement », la loi autorise de photographier les gens dans un lieu public (sauf si ça dégrade son image, entendons nous bien) alors c’est moral de le faire. Mais je trouve que pour les sans-abris, ce n’est pas moral ^^

      Bref, comme tu dis il faudrait vraiment réfléchir au sujet ^^ Merci pour ton commentaire 😉

  10. thethev dit :

    Bonjour Thomas,
    J’ai lu ton article avec attention car d’une part ton recul sur la situation des sans-abris est intéressante et que, en photo, déclencher nécessite également un recul par rapport à la situation.
    Je sais peu de chose sur la photo de rue mais en tout cas elle je pense qu’elle doit transmettre un message. Prendre en photo un sans-abris c’est effectivement lui voler la dernière chose qui lui reste : sa dignité.

    Par contre, quand tu dis qu’en 2015 « qui ne sait pas que de nombreuses personnes vivent dans de telles conditions » ce doit être vrai mais par contre peu savent réellement quelles sont ces conditions. J’ai l’impression que lorsque lorsqu’un photographe fait une photo d’un sans-abri il agit comme un voyeur cherchant juste à dégrader l’homme. C’est assez inutile.
    En réaction à cela, je me pose quand même la question de comment photographier ces situations des sans-abris pour faire prendre conscience de la dureté de leur vie. Bien malgré moi alors je me demande comment je ferais. Peut-être ferais je seulement des photos des objets ou animaux qu’ils possèdent, des photos de détails (leurs mains, des bricolages vestimentaires). En tout cas, pour le faire, cela impose de lier un lien avec lui et je trouve que photographier ces possessions pourrait en dire beaucoup plus sur leur situation (sa solitude, leur peu de biens ou au contraire leurs richesse de coeur) que de photographier l’homme. Je ne sais pas en fait…

    • Thomas Benezeth dit :

      Merci Thethev d’apporter ta pierre à l’édifice avec ce commentaire 🙂 Je trouve l’idée de photographier leur objets ou leur maison très bonne, c’est un morceau de leur histoire. Associer à une discussion comme tu le dis, et je crois que c’est ça l’essentiel. C’est un peu voyeur mais comme toute photo de rue, c’est juste que pour un sans-abris, s’il n’y a pas de message derrière la photo (comme tu le précises également) c’est inutile.

  11. Chris dit :

    Bon article et tellement vrai…
    Comme certains d’entre vous, je n’ai jamais osé prendre un sans abris en photo..cela me met mal à l’aise et j’ai l’impression de « profiter de leur faiblesse » si jamais je les photographie..
    Il y a tellement de photos à faire dans la rue,..et tant pis si je loupe une « bonne gueule » car (et cela peut paraitre ironique mais ne l’est pas) certains sont « photogéniques ». Je me souviens d’une photo sur un forum oú le monsieur en question avait une « sacrée gueule ».. La photo avait une force incroyable..
    Ca pourrait etre le sujet d’un débat:peut on tout photographier?

    • Thomas Benezeth dit :

      Ce serait un débat intéressant mais pas évident ^^ Mais il y a déjà un élément de réponse: on ne peut pas photographier quelqu’un dans une situation dégradante. Je dis bien dégradante et non « non avantageuse » ^^ Pour ce qui est des têtes photogéniques, il suffit de demander, sans oublier d’échanger quelques mots 🙂 Merci Chris !

  12. Himes dit :

    La question de prendre en photo des sans-abris est intéressante et ton point de vue juste je trouve. Je n’ai jamais voulu photographier des sans-abris pour des questions de facilité et parce que cela s’apparente souvent à du voyeurisme (si ce n(est pour véhiculer un message fort). Pour élargir un peu, je pense aussi que la question se pose à chaque fois qu’on photographie des gens à leur insu, surtout quand ils ne sont pas à leur avantage.

    • Thomas Benezeth dit :

      La photo de rue s’apparente déjà à du voyeurisme, mais c’est vrai que c’est plus accentué pour ce cas de figure ^^ Et c’est aussi délicat pour les photos qui ne présentent pas les gens à leur avantage, tout est subjectif, mais il suffit d’avoir un peu de bon sens pour faire la part des choses. Merci Himes pour ton commentaire 😉

  13. Bonjour Thomas, bonjour à tous
    Mon expérience personnel, il m’arrive de photographier des « sans-abris » une façon pudique de nommer les laisser pour compte de la société.
    J’ai un principe ne jamais chercher l’esthétisme de la personne ou du parfait cadrage, toujours mettre en parallèle ou en opposition un autre élément, exemple: une banque, un magasin de luxe, etc. La pire des choses serait de dire de ma photo, « qu’elle est belle ».
    Faire de belles photos ne m’intéresse pas. Simplement susciter une réflexion ou une interrogation, trop modeste ou trop prétentieux à vous de choisir.
    à+ Serge
    D’IGNAZIO Serge Articles récents…CommunicationMy Profile

    • Thomas Benezeth dit :

      Salut Serge ! S’il y a un message derrière la photo, comme tu le fait, c’est mieux ! Et s’il y a une message, rien n’empêche selon moi de faire le meilleur cadrage possible, car c’est souvent le cadrage qui donne de la valeur au message 😉 Merci d’avoir donné ton point de vue !

  14. cocagne dit :

     » Voler l’image d’un inconnu dans la rue ne me dérange pas, ce n’est qu’un instant d’intimité publique. Sa véritable intimité, celle qu’il refuse d’exposer aux autres, se trouve chez lui, dans son foyer.
    Le sans-abris, lui, n’a aucune intimité. Aucune. Et personnellement, je me sens très mal à l’aise à l’idée de lui voler, à son insu, le peu qui lui reste. Oui, il est dans un lieu public, mais pour lui, c’est un peu un lieu privé. »

    Voila tout le nœud de l’affaire et je suis heureux d’être venu flâner chez toi pour y trouver ton papier. Au fond c’est bien l’abime qui sépare la photo de rue de la photo de voyeur.
    Bien entendu avec la réserve habituelle pour la photo de reportage qui elle a une fonction sociale, le droit à informer et à être informé est suffisamment bousculé ces temps ci qu’il est inutlie j’imagine de développer les devoirs de toute personne qui prétend se placer entre nous et les autres.

    • Thomas Benezeth dit :

      Ravi que l’on soit sur la même longueur d’onde 🙂 Effectivement pour la photo de reportage, c’est différent. Le droit d’informer permet de diffuser des images plus ou moins choc, mais encore une fois, a-t-on le droit de tout montrer ? Pas facile de répondre ^^ Pyrros en parle sur son blog, en disant que le photographe (ou le journaliste) doit faire attention au message qui est diffusé dans ses images (lire « L’impact des images, la responsabilité de tous: http://pyrros.fr/coup-de-gueule/impact-des-images/) Merci pour ton message !

      • cocagne dit :

        J’ai lu le papier de Pyrros
        La par contre je ne le suivrais pas sans broncher plusieurs fois sur l’obstacle car au fond il est, et c’est surement très involontaire, en train de dire qu’il y a des choses qui ne se disent qui ne se font pas et rejoint la position de ceux qui disent que Charlie a été trop loin, comme le pape d’ailleurs mais aussi comme ceux qui encensent les frères Kouachi.
        En fait il interroge sur la validité du droit à quiconque à publier sans le filtre de la responsabilité professionnelle elle même d’ailleurs souvent sujette à caution.

        • Thomas Benezeth dit :

          Je ne parlais pas de responsabilité vis à vis de Charlie Hebdo mais de la diffusion de la vidéo du Policier tué. J’ai pas lu tous les articles de Pyrros sur le sujet mais je ne crois pas qu’il soit comme tu le décris. Enfin là n’est pas le sujet 😉

  15. Bonjour. Je photographie beaucoup les sans-abri et me suis souvent exprimé sur la question. Brièvement : avant de passer derrière l’objectif, j’ai longuement côtoyé ces gens dans la rue, ai travaillé à leur côté comme journaliste de la presse écrite, leur ai consacré un livre de témoignages. J’explique dans un article ancien posté sur mon blog comment, avant de me permettre de leur prêter mes yeux, ma paroles, j’ai accepté – à leur demande – de passer une partie d’un hiver avec eux dans la rue. Voici le lien de l’article en question : http://photosderue.net/paris/on-ne-va-pas-a-la-misere-et-a-la-solitude-comme-on-va-au-zoo/. Je signe aujourd’hui encore chaque mots, chaque virgule de cette prose. Plus récemment, dans un autre article, je résumais mon point de vue en une phrase : « Il n’y a pas de honte à montrer la misère. Ce qui est honteux, c’est de la dissimuler. « . Ceci posé, je dirais que ton article pose les bonnes questions : celle de l’intimité et de la décence ou celle du témoignage par exemple. Je crois résolument qu’on ne va pas à la misère, à la solitude sans un investissement personnel. On y va nécessairement en se déboutonnant et on montre parce qu’on est interpellé et qu’on éprouve. Parce que, selon moi, le premier rôle de la photo de rue – en admettant qu’elle doive en avoir un – c’est de documenter le réel. Et si l’on veut rendre un peu sincèrement compte de notre époque, quel réel documenterions-nous si on élude systématiquement la misère qui investit nos rues ?

    • Thomas Benezeth dit :

      Merci Marco pour ton commentaire ! J’ai lu ton article qui est très intéressant, et nous sommes donc d’accord sur le fait qu’il ne faut pas s’interdire de faire ces images mais qu’il faut le faire intelligemment. Toi qui a passé une semaine avec eux en dormant sur un banc et moi qui conseille de passer du temps avec eux en discutant… Tu as fait très fort 🙂 Est ce que, lors des discussions que tu as eu avec eux, tu as abordé ce sujet ? Ce serait intéressant de savoir ce qu’ils pensent lorsque qu’un inconnu les prend en photo (si le photographe ne se fait pas trop discret bien entendu ^^). Bravo pour ce courage, je pense qu’il en faut. Merci encore pour ce texte !

      • En vérité, il m’arrivait d’embarquer mon Canon AE1 lorsque je travaillais (quasi quotidiennement) avec les sdf et certains étaient carrément demandeurs pour la photo souvenir. Mais ce genre de clichés me laissait très mal à l’aise : je ramenais des bobines rieuses qui ne démontraient rien sinon le plaisir fugace d’un moment partagé autour d’un verre ou d’une clope avec tel ou tel individu et son éventuelle hygiène dentaire. Aujourd’hui, j’évite absolument le portrait du bonhomme (posé ou non). Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le sdf, mais le regard que nous portons sur le sdf. C’est la situation, le passage, la vie avec ou sans majuscule et sa manière d’intégrer ou non l’autre dans son champ visuel. Sinon, ce que le sdf pense lorsqu’un inconnu le prend en photo ? Exactement ce que n’importe qui en pense : certains s’en foutent, d’autres s’énervent, quelques uns prennent la pose. Le sdf est un individu comme vous et moi et c’est comme individu qu’il faut l’aborder. Aurait-on l’idée de se demander ce que les bouchers, les boulangères ou les fonctionnaires pensent quand on les prend en photo ? Il existe une différence cependant : plus que la dèche, c’est l’isolement, la réprobation qui touche le sdf. Il faut donc absolument prendre le temps de l’échange avec lui. Et se confronter à cette évidence essentielle : si j’ai peur du sdf, de ce qu’il représente, si j’hésite à aller vers lui, à l’aborder comme un individu, alors les raisons pour lesquelles je veux l’encadrer dans mon viseur ne sont assurément pas les bonnes.

        • Thomas Benezeth dit :

          Merci beaucoup Marco pour ce complément d’histoire ! J’ai particulièrement adoré ta conclusion:

          « si j’ai peur du sdf, de ce qu’il représente, si j’hésite à aller vers lui, à l’aborder comme un individu, alors les raisons pour lesquelles je veux l’encadrer dans mon viseur ne sont assurément pas les bonnes. »

  16. elPadawan dit :

    De mémoire, je ne pense pas avoir fait de photos de sans-abri, je crois. Sauf quand ils font de la musique dans le métro, comme celui-là: https://elpadawan.wordpress.com/2012/03/15/no-woman-no-cry/. Quand j’en vois pendant une sortie photo, d’une manière générale, je bloque, de toutes façons. Oui, ils n’ont plus aucune intimité, et je suis tout à fait d’accord avec toi. Maintenant, doit-on s’interdire de les prendre en photo? En 2015, la misère est encore là. Des mairies prennent des mesures « cache-misère » pour empêcher les SDFs d’être vus ou visibles dans leurs artères les plus commerciales. Alors on pourrait se dire qu’il faut continuer de les montrer. Mais dans ces cas-là, il y a un maître mot dont tu parles tout au long de ton article, et qui pour moi mérite une majuscule: le Respect. Un projet photo type « Humans of New York » qui livrerait l’histoire des SDF en plus de leur portrait, pour dénoncer les discriminations dont ils sont accablés, ça me semblerait plus louable. Ce sont des êtres humains, ils méritent qu’on les respecte, pas qu’on surfe sur leur misère pour récolter des « likes » ou des « retweets ». Alors je te plussoie à fond.
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  17. Quel sujet délicat. Je suis d’accord avec ta façon de voir les choses mais je me pose quand même la question suivante : Pourquoi « s’interdire » de photographier les SDF alors qu’ils sont malgré eux des personnages centraux de la rue. Ne pas vouloir les photographier c’est aussi un peu ne pas vouloir en voir toutes ses facettes. Comme avoir des œillères quand le sujet devient trop difficile. Et puis ce sont des humains comme tout le monde et acteurs (peut-être à leur insu, soit) des scènes de rues.
    Bref, le sujet est très délicat.
    J’ai fait une seule fois une photo d’un SDF à Paris. Il est allongé sur le sol sur un trottoir et en arrière plan il y a un homme qui promène son chien comme si de rien n’était. Le contraste était saisissant. Cette photographie date de 2007, pour dire que ce n’est pas hyper récent.
    Après, je pense effectivement que ce genre de cliché doit s’inscrire dans une démarche personnelle, d’échange, de journalisme ou documentaire, je trouve quand même important que ce style d’image existe afin de dénoncer la misère et des situations de vie très difficile.. Le tout dans le respect, comme tu le dis si bien.
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    • Thomas Benezeth dit :

      Oui je trouve aussi le sujet très délicat. Je crois que le sujet (au sens de la discussion) est difficile, mais le sujet (au sens du principal intérêt photographique) est plutôt facile pour la plupart des photographes parce qu’ils ne demandent pas, le font discrètement et ne parle pas avec la personne en face d’eux. Je comprends quand tu me dis qu’ils sont acteurs des scènes de rue et qu’on devrait donc pouvoir les photographier comme tout le monde, mais je trouve que c’est vraiment délicat. Personnellement je préfère ne pas le faire sans demander ou un quelconque contact. Délicat tout ça ^^

  18. […] La photo de rue et les sans-abris : Thomas nous explique pourquoi il ne photographie pas les sans domiciles dans la rue sans prendre contact avec eux. De quoi réfléchir sur le respect du sujet que l’on photographie. […]

  19. Christophe dit :

    Bonjour Thomas,
    Merci à Pyrros de son lien dans sa revue du web 😉
    J’ai trouvé l’approche de ton article intéressant; il m’est arrivé à quelques occasions de prendre des SDF en photo, les circonstances étaient toujours les mêmes : j’accompagnais une association qui leur fournissait régulièrement de la nourriture. En effet, on peut les prendre en photo, mais avec le même respect que n’importe qui.
    Alors, un échange, une discussion, un regard : cela changera de toute façon la photo elle-même.
    Quant à les aider, je penche pour leur donner de la nourriture plutôt que de l’argent (je prends souvent un sandwich quand je vais acheter mon pain, pour donner sur le chemin du retour).

    • Thomas Benezeth dit :

      Bonjour Christophe (et merci Pyrros ^^) !

      Merci pour mon article 😉 C’est vrai qu’en passant par une association, l’idée est très sympa. J’aime bien aussi l’idée de donner à manger plutôt qu’une pièce !

  20. sylvain dit :

    Bonjour à tous,

    Je photographie de temps en temps des sans abris / mendiants et autres cas similaires. J’ai parcouru un bidonville en Inde en toute sécurité je précise car ils sont content que des étrangers viennent les voir. Ils sont mêmes demandeurs à ce qu’on les prennent en photo. Tout se passe bien dès lors qu’on est dans le respect et l’échange. Dans tous les cas je donne quelque chose et cela me parait plus que normal.

    Rendez-vous Paris

  21. […] de mon sujet. Je choisis ce que je veux montrer et ce que je ne souhaite pas photographier, comme les sans abris. Je me suis déjà retrouvé face à des personnes qui ne voulaient pas être photographiées, bien […]

  22. Lionel dit :

    J’ai travaillé 12 ans après des clochards les plus exclus de Paris. Je les ai beaucoup pris en photo, à leur insu ou pas. Je l’ai fait sans complexe et sans but réel. J’ai aussi un tout petit peu trainé dan les bidonvilles du 93 pour y faire des photos à la demande d’une asso. C’est un sujet qui m’intéressait beaucoup mais qui était trop dangereux (les mafieux veillent sur leur business..). J’ai donc arrêté les bidonvilles roms.
    De ces photos je ne peux rien en faire car je n’ai aucune autorisation pour les faire paraitre. Et si je avais ces autorisations je pourrais toujours être accusé d’abus de faiblesse au moment ou j’ai fait signer cette autorisation. C’est très compliqué.
    Tout ça me fais rager car un peu partout dans le monde de la photo, la misère est étalée. Mais cette misère étalée, jusque dans les concours (donc exploitée), est exotique, c’est à dire que les gens photographiés sont d’un autre continent. Les autorisations n’existent pas et pourtant ces photos ont les retrouvent un peu partout. Belle hypocrisie non…? Pire certaines photos présentent des gamins très pauvres et ces photos, comme les autres se baladent partout sur le net. Imaginez la même chose si je postait sur le net des photos de gamins roms dans leur bidonville…
    La seule chose que j’ai pu faire de mes photos de clochards est ce petit bouquin qui, parce qu’il bouscule le monde associatif, est refusé partout où je le présente.
    J’aurai peut-être du m’offrir un voyage à l’autre bout du monde pour ramener des photos d’une misère qui rassure plutôt que de faire des photos et un texte qui accuse…

    http://lagrandeexclusion.free.fr

  23. Franch Maxime dit :

    Bonjour à tous,

    Je n’ai pas pris le temps de lire tous les messages. Mais je vais rebondir sur le sujet.
    Pour ma part j’aspire à être photographe (photo reporter). Dans mon projet en cours je photographie des sans abris. Mais pas de loin comme certains le font, mais plus à 70cm d’eux, de face.
    Je vais à leur rencontre de la manière suivante : je leur sert la main, leur demande comment ils vont. Ensuite, je leur « parle » (car presque aucun ne parle français) , et si le contact se fait facilement, c’est à ce moment que je leur demande si je peux prendre un portrait d’eux. Ils acceptent tous en grande partie. Ils sont heureux de voir leur photos, a leur change du quotidien.. Et quand je les revoient, je leur donne un petit tirage 10x15cm pour qu’ils le garde plus facilement. Je ne peux pas changer leur vie, mais passer un bon moment, voir des sourires, des rires, ça je le peux.

    Voilà, pour ceux qui voudrai voir ce travail (de 1 an) je vous laisse le lien de ma page Facebook (plus simple d’accès pour tous.)

    Facebook : https://www.facebook.com/FranchPhotographie
    500px : http://maximefranch.500px.com

  24. mallegol dit :

    JE me suis accroche ferment sur flicker a ce sujet contre et encore ! une seule fois a djerba dans le souk j ai eu honte de moi de plus je n ai jamais pu la developper

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