Du métro à l’Opéra: l’histoire d’une photo de rue

on 20 novembre 2015 in Photo de rue by with 47 Comments

Pour fêter mes trois années de blogueur – c’est aujourd’hui !, j’ai décidé de partager avec vous une chouette histoire qui m’est récemment arrivée. Une histoire de photographie bien entendu, qui me parait être assez rare pour être racontée, c’est en tout cas la première fois que cela m’arrive.

En photographie, nous sommes tous attirés par l’émotion, pour certains ce sera un paysage au bout du monde, pour d’autres la vue d’un cerf dans une lumière matinale. Pour ma part, il s’agit principalement de la photo de rue au sens architecture urbaine et photo humaniste, béton et humain. Chacun ses goûts, c’est ce qui fait notre diversité.

Mais la photo de rue a ceci de particulier: notre sujet est humain, il a donc sa propre sensibilité, et il peut arriver que celui ci ne souhaite pas être pris en photo, encore moins se voir publier sur un site internet ou les réseaux sociaux. C’est rare mais il peut même arriver que le photographe soit pris à partie, avec un niveau de cordialité plutôt variable, et parfois il choisira tout de même de publier le cliché. Ça m’est déjà arrivé, et j’assume. C’est une discipline qui n’est pas toujours facile à comprendre et qui est souvent mal perçue, par tout le monde -même des photographes, puisque nous photographions des inconnus à leur insu. Mais c’est aussi un témoignage de notre époque et une façon de s’intéresser aux personnes que nous croisons, et je crois sincèrement que c’est important de le faire.

Nous ne sommes pas des voleurs d’identité ou de vie privée, nous ne sommes pas non plus des voyeurs malsains. Et tout le monde n’est pas hostile à l’idée de se faire photographier en pleine rue, sans s’en apercevoir.

Ceci étant dit, j’en viens maintenant à mon histoire. Elle démarre dans le métro, en novembre 2014, et concerne ce cliché:

 

IMG_8555

 

J’étais sur le chemin d’une sortie photo lorsque j’ai vu cette danseuse entrer dans ma rame, sur la ligne 4. J’ai été touché par son attitude et sa façon de tenir sa tenue d’artiste, c’est pour ça que j’ai déclenché. J’ai utilisé mon iPhone pour assurer ma discrétion et ma réactivité. J’avais publiée la photo dans cet article et l’avais intitulée La triste histoire de la danseuse déchue.

Ce qui fait l’originalité de cette histoire, c’est qu’une lectrice m’a appris le nom de cette danseuse. Elle s’appelle Amélie Joannidès, a 22 ans et est Quadrille à l’Opéra Garnier de Paris -engagée dans le corps de ballet depuis 2009. Moi qui ai l’habitude de photographier les gens en toute discrétion, qui me suis contenté d’utiliser mon iPhone pour ne pas me faire repérer lors de la prise de vue, qui ai tout fait pour éviter le contact, me voici maintenant avec un nom sur l’inconnue de ma photographie, et donc la possibilité de la contacter.

Autant dire que ça n’arrive pas tous les jours, l’inconnue devient connue, et j’ai tout de suite eu envie de lui offrir un tirage photo. Je l’ai donc contacté via Facebook en lui expliquant ma démarche, pourquoi je l’avais prise en photo, et j’ai reçue une très belle réponse. Amélie a été touchée par la photo et n’était pas du tout mécontente d’avoir été photographiée à son insu. Ça lui a fait drôle, bien sûr, surtout de se voir comme ça, l’air plutôt triste, mais elle comprend tout à fait la démarche. Elle a tout de suite acceptée de recevoir le tirage (je l’ai daté et signé – Tirage Piezo par Art Photo Lab), le rendez vous est pris à l’Opéra pendant sa pause pour lui remettre.

Je prends mon X100S pour les photos de rue mais pour une fois, je prends également le X-E2 et le 35mm. Je n’ai pas prévenu Amélie, mais j’ai l’intention de faire deux nouvelles photos, un portrait serré et une prise de vue plus large où elle tient la photo du métro. Je voulais avoir un souvenir de cette rencontre et montrer un autre visage de la fille du métro. La tristesse est remplacée par le sourire !

 

 

La discussion n’a pas durée plus de dix minutes parce que Amélie devait retourner travailler -ce qui explique sa tenue d’entrainement, mais c’était vraiment sympa de pouvoir rencontrer une personne que j’ai photographié. Je crois qu’elle était très heureuse de recevoir la photographie tout comme je l’étais de lui offrir. Vous pouvez en savoir plus sur Amélie en regardant cette interview très intéressante publiée par le site Mademoizelle, elle y parle de sa passion pour la danse mais aussi de l’art au sens plus large.

Voilà donc une histoire originale que seule la photo de rue peut nous offrir. Essayez de discuter avec votre montagne ou votre cerf =) Blague à part, je voulais depuis quelques temps écrire un article sur un ton très ironique pour me moquer des critiques contre les photographes de rue, mais je me suis ravisé. C’est plus sympa de prendre le problème à contre pied et de parler du côté positif, c’est le plus important et c’est ce qui nous motive. Quand on photographie des gens, on s’intéresse à eux, on ne les espionne pas, alors la prochaine fois, soyez heureux d’être pris en photo dans la rue par un inconnu !

 

47 Responses to Du métro à l’Opéra: l’histoire d’une photo de rue

  1. Belle histoire en effet..
    Je commence souvent mes conférences sur le droit à l’image en conseillant aux photographes d’aller vers leur sujet autant que possible…
    Je me permets donc de relayer votre article sur la page FB « Droit & photographie », car voici une belle illustration de l’importance du comportement du photographe dans la détente des relations…
    Bravo
    (et belle photo par ailleurs)

    Joëlle Verbrugge
    Joëlle Verbrugge Articles récents…Les conférences au Salon de la PhotoMy Profile

  2. ary dit :

    Jolie histoire ! On dirait le début d’un livre de Marc Levy !!
    ary Articles récents…Ca faisait longtemps que je voulais la faire cette photo…My Profile

  3. Pyrros dit :

    C’est une belle histoire, comme l’on rencontre parfois en photographiant des gens 😉
    Pyrros Articles récents…Un tournoi amical de Foot Fauteuil à ToulouseMy Profile

  4. Très belle histoire ! Comme quoi, il ne faut pas partir d’un avis négatif sur le fait de photographier des inconnus. Pour ma part, ce n’est pas une discipline dans laquelle je suis très à l’aise, et puis en Ile-de-France, on a de sacrés ronchons (pour être polie) et ça n’incite pas à prendre les gens en photos car une bonne partie tire la tronche et est assez souvent très véhémente voire pas aimable et dans le pire des cas, dès le début avec un comportement limite violent. Je m’y essaye de temps en temps, mais plus en province ou à l’étranger, Paris c’est autre chose, mais le reste de l’Ile-de-France, c’est un challenge pour moi !

    C’est super qu’elle ait réagit positivement, et qu’on puisse également voir une autre facette avec une photo plus joyeuse ! 🙂
    Anne LANDOIS-FAVRET Articles récents…La fête du slip !My Profile

  5. Salut Thomas, salut à toutes et tous
    Très sympa cette histoire, tu as eu le bon réflexe de contacter cette personne et le résultat est vraiment très sympathique.
    Encore bravo Thomas.
    Serge
    https://www.flickr.com/photos/119524765@N06/
    PS: si je dois offrir un tirage à toutes les personnes que je photographie, mon budget photo va exploser!

    • Thomas Benezeth dit :

      Salut Serge, et merci 🙂 J’avais un peu d’appréhension à la contacter mais après tout, je n’avais rien fait de mal, bien au contraire !

      PS: oui, j’espère ne pas retrouver tout le monde non plus :p

  6. re-salut
    De mon côté, j’aime aussi photographier dans des institutions, (musée, salon, magasin, boutique, etc.)
    Et d’une façon générale, je fais parvenir la, ou les photos, à l’institution (musée, salon, etc.) via le net.
    Et à 99,99999% les réponses sont sympas.
    Dernièrement à Berlin, j’ai photographié les hôtesses d’accueil dans un superbe musée consacré à la photographie le C/O Berlin.
    De retour en France, je fais parvenir ces photos au musée. Les responsables de la galerie me félicitent pour ma galerie Flickr, mais me demandent de ne pas publier les photos des hôtesses, ce que j’ai fais bien entendu.
    à + Serge

  7. Pour fêter tes trois années de blogueur, ce qui serai très sympa, mais vraiment très chouette, serai d’inviter au restau., les gens qui te suivent régulièrement sur ton blog.
    Mais là, faut vraiment être très, très sympa!
    à+ Serge

  8. elPadawan dit :

    Quelle belle histoire :3
    Et sinon, elle a pensé quoi du titre de la photo? Est-ce qu’elle était d’accord? 😉
    elPadawan Articles récents…MemoryMy Profile

  9. Julien dit :

    Détrompe-toi, on est nombreux à parler avec les animaux (vas-y approche toi encore un peu, mais non pas par là…) et aux paysages (bon tu vas t’en aller fichu nuage)… bon je t’accorde que c’est rarement concluant ^^

    Plus sérieusement, histoire sympa et joyeux anniversaire alors 😉

  10. Florian H86 dit :

    Très bel article Thomas et trois très belle photo. Étrangement, les deux dernière photos me provoque une sensation « bizarre »…. Peut être l’habitude de voir tes photos en noir et blanc…
    J’ai apprécié ton histoire, j’aime la comparaison d’Ary! et prends le bien!

  11. Donlope dit :

    Tout d’abord un très bon anniversaire!
    ensuite, je trouve la photo très réussie, pleine de tendresse, et l’histoire qui va avec valait le coup d’être racontée, c’est pas banal et très sympa comme rencontre!
    Donlope Articles récents…Une petite marche à Sa CapellettaMy Profile

  12. Audrey dit :

    Belle histoire, qui en plus vient maintenant donner une autre perspective au premier cliché !

    Merci de nous l’avoir fait partager ! 😉
    Audrey Articles récents…dodgers-4.jpgMy Profile

  13. Sem dit :

    Bon anniversaire au blog !
    C’est sympa d’être aller jusqu’à la rencontre, au final ça fait une belle histoire en effet.
    C’est vrai que les gens en général ne comprennent pas du tout le fait de photographier des inconnus dans la rue (et encore je ne parle même pas des enfants) !
    Sem Articles récents…Journey to workMy Profile

    • Thomas Benezeth dit :

      Merci Sem ! Je trouvais ça normal d’aller jusqu’à la rencontre, en tout cas j’en avais envie ! (Oui pour les photos d’enfants le débat est encore plus dur…)

  14. François dit :

    Merci pour ce récit. C’est encourageant de savoir qu’il y a aussi de belles rencontres à faire au bout de l’objectif. J’espère bien vivre ça aussi un jour. Je te raconterai…

    • Thomas Benezeth dit :

      Je te le souhaite 😉 Merci pour ton message !

      • Deon dit :

        on When I orlagniily commented I clicked the -Notify me when new surveys are added- checkbox and from now on whenever a comment is added I’m four emails sticking with the same comment. Possibly there is any way you are able to get rid of me from that service? Thanks!

  15. Quentin dit :

    Génial ton histoire 🙂 Dommage que ce soit si rare 😉

  16. elPadawan dit :

    Plus sérieusement, j’applaudis la démarche. C’est une chose de faire des photos, de se faire plaisir dans son coin, mais (et je trouve que c’est encore plus vrai avec la photo de rue, même si ce n’est pas exactement mon domaine) il ne faut pas oublier le contact humain dans tout ça et son potentiel si enrichissant. Quand je prends en photo des artistes de rue en me baladant, ils ont parfois des infos de site, de contact, de page FB, à côté de leur chapeau « à vot’ bon cœur ». Si la photo est réussie, j’essaie toujours de les contacter pour la leur partager, par exemple… (Ce qui me rappelle que j’ai une série sur un cracheur de feu polonais à finir de traiter…)

    • Thomas Benezeth dit :

      Merci Fifty, j’apprécie 😉 C’est vrai que ce n’est pas forcément ma démarche, les rapports humains, je préfère effectivement faire mes photos discrètement et éviter le contact, mais cette histoire me semble particulière: je n’ai aucun problème à aller voir mon « sujet » à posteriori, si je découvre son identité comme ici 🙂 Pour ce qui est des artistes de rue, je comprends tout de suite ta démarche. J’en photographie peu mais quand c’est le cas j’aime bien aussi les contacter après (je l’avais fait pour la Zombie Walk de 2014, un mec qui y est chaque année: je lui avais envoyé le cliché par Facebook mais je n’ai jamais eu de réponse ! Et ça, ça ne motive pas ^^).

  17. Bonjour Elpadawan, bonjour Thomas, bonjour à toutes et tous.
    Personnellement, c’est systématique dans la mesure du possible, pour les spectacles de rue et toutes manifestations.
    Petite histoire, cette année j’ai photographié, en autres, un ensemble de chanteurs « Les voisins du dessus » http://www.lesvoisinsdudessus.fr/wordpress/, à titre perso.
    Comme à mon habitude, j’ai envoyé les photos, pour me remercier des photos , en retour une caisse de 6 bouteilles de vin, sa tombe bien… je ne bois pas d’alcool! Le geste est très sympa.
    à + Serge
    https://www.flickr.com/photos/119524765@N06/
    PS: Si la banque de France est prise en photos, peut-être des lingots d’or…

    • Thomas Benezeth dit :

      Salut Serge ! Je vais essayer de les prendre en photo parce que contrairement à toi, j’adore le vin !! 😉 Blague à part, c’est très sympa de leur part, et de la tienne aussi: c’est motivant je trouve !

  18. […] ce que j’ai fait ces derniers jours, notamment lorsque je suis allé rencontrer la danseuse Amélie, et plus récemment lors d’une sortie parisienne en compagnie de Thierry et […]

  19. Govignon dit :

    Salut à tous,

    Article émovant. Bel exemple de ce que permet la photographie et plus particulièrement la photographie de rue. L’échange reste important… En revanche je ne compte plus le nombre de fois où cela a failli dégénérer parce que j’avais photographié des individus ou étais sur le point de les photographier, j’ai le sang chaud, parfois une grande gueule… Mais bon j’apprends à la fermer mais rien que cette dernière année cela a dû m’arriver une demi-douzaine de fois… Maintenant je prends mes jambes à mon cou… comme la dernière fois où un type m’a poursuivi avec une scie, l’autre jour un clown, je lui ai ri au nez… Il voulait deux euros !

    Je reprendrai les mots d’un photographe que j’aime beaucoup François Le Diascorn qui lui même reprit une formule de HCB qui disait, je cite :
    « Les gens sont difficiles à Paris… Il y a une tension, une sorte de violence… Je continue de faire des photos dans la rue tous les jours, mais tous les jours j’ai des problèmes. Je ne discute plus. Je souris et je file. J’ai adopté la formule d’Henri Cartier-Bresson : les photographes sont comme les artilleurs : ils tirent et se tirent. »

    J’apprends la diplomatie et l’humilité dans la rue et cette dernière année, j’ai beaucoup appris.

  20. Bonjour Thomas, bonjour Eric (Govignon)
    Effectivement, ce n’est pas toujours facile de photographier des gens.
    Je ne pense pas que les gens sont difficiles à Paris, je pense que la situation sociale, financière, professionnelle, etc. est difficile pour beaucoup de gens et à mon avis bien plus difficile en banlieue ou en province, et cela indépendamment des attentas récents.
    Au sujet de la violence, il bon de rappeler que dans certaines régions du monde, la violence est partie intégrante de la vie (Palestine, Afrique, Asie, Moyen et Proche-Orient, etc. la liste est malheureusement très longue.
    Amitiés
    Serge
    https://www.flickr.com/photos/119524765@N06/

  21. […] les bras lorsqu’elle est entrée dans ma rame à la station Bastille. Vous apprendrez ici la manière dont j’ai pu retrouver Amélie pour lui offrir un tirage de la photo: une […]

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